Note de Lecture n° 19 : « Mieux exploiter le trésor du tourisme français»
Par Jean-Luc Michaud
Ancien Directeur national du tourisme,
Professeur associé des Universités à la Sorbonne
Publié le 18 août 2022
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Le Covid nous a fait prendre conscience des fragilités, mais aussi du potentiel exceptionnel du tourisme français. L’éditorial des « Echos » du 3 août a montré qu’il était nécessaire pour notre pays de tirer les leçons du douloureux échec de ses politiques industrielles pour mieux réussir la reconnaissance et la valorisation de ses trésors touristiques.
Certes, les fragilités du tourisme sont nombreuses : sa vulnérabilité aux crises géopolitiques, sanitaires, économiques et sociales, la saisonnalité de plusieurs de ses filières, l’image de métiers parfois peu qualifiés et dénigrés à tort. La multiplication des réglementations souvent inutiles ou incohérentes a eu pour effet de dégrader la compétitivité de notre pays en fragilisant les TPE et PME du secteur, qui constituent pourtant l’essentiel de l’emploi et de la production touristiques.
Un facteur de lutte contre la désertification territoriale
Malgré les atouts naturels et culturels exceptionnels de notre destination, certains voisins moins bien dotés, tels que la Grande-Bretagne et l’Allemagne, sont en passe de la supplanter dans les classements européens et mondiaux, tant en recettes qu’en fréquentation des hébergements professionnels.
En fait, les adversaires les plus obstinés du tourisme français ne sont pas ses concurrents étrangers, mais ceux qui en France même devraient veiller à un développement durable et soutenu de ses atouts, surtout au moment où notre balance extérieure atteint des déficits record.
Non seulement, il offre un remarquable potentiel d’emplois, mais les employeurs y redoublent d’efforts salariaux et d’incitations pour attirer ceux que les aides publiques ne détournent pas tout simplement de travailler. Il est un facteur majeur de cohésion des territoires et de lutte contre la désertification territoriale. A l’origine aussi d’innombrables premières expériences professionnelles pour des jeunes, de découvertes de leurs patrimoines naturels et culturels par nos concitoyens ainsi que par des millions de visiteurs étrangers, qui peuvent ainsi devenir les ambassadeurs de notre culture et de nos valeurs.
Pas de contradiction entre croissance et environnement
Une prise de conscience des bénéfices de la croissance touristique par nos décideurs et la société tout entière ainsi qu’une réussite durable dépendront de notre capacité à construire des stratégies répondant aux attentes des clientèles plutôt qu’à des fantasmes ou des préjugés erronés.
Ainsi, le « surtourisme » appelle avant tout une meilleure répartition et gestion des flux dans l’espace et dans le temps, tout comme une protection positive de l’environnement ne se réduit pas au segment de l’« écotourisme ».
Le modèle des vacances et des loisirs pour tous, condition d’un lien social consolidé, repose sur un volume d’offre important et à des prix accessibles. Il n’y a pas de contradiction entre croissance et environnement dès lors que c’est la première qui permet aux entreprises et aux collectivités de financer la protection du second.
Une exploitation raisonnée de notre mine d’or
La gestion de la crise sanitaire a coûté des dizaines de milliards d’euros aux contribuables français pour atténuer les effets économiques et sociaux de la pandémie. Elle a aussi plongé l’ensemble du tourisme dans un recul sans précédent. Selon les statistiques officielles de l’Insee, la baisse du PIB français entre 2019 et 2020 a été de 180 milliards d’euros, dont 60 milliards supportés par le seul tourisme.
De 7,5 % du PIB total en 2019, sa part a été réduite à 5,3 % en un an. Ainsi pénalisé à hauteur de 30 % de l’ensemble de notre économie, le tourisme n’a en revanche bénéficié que de 8 % environ des aides nationales, principalement sous forme de prêts remboursables.
Au moment où le redressement de notre économie appelle de nouveaux investissements et une offre novatrice, l’exploitation raisonnée de notre mine d’or touristique doit nous permettre d’inverser durablement le déclin relatif que nous observons. Un objectif volontariste de 10 % de notre PIB au cours de la décennie est, n’en doutons pas, à portée de notre volonté collective.