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Note de lecture n°1 : « Le tourisme, discipline à la marge dans l’enseignement supérieur français»

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portrait Margherita Nasi

Par Margherita Nasi 

Journaliste Le Monde / Sciences Po – Master Journalisme & Philosophie

Si de nombreuses formations existent, elles peinent à répondre aux besoins de la filière, que cela soit en termes de fonctionnement, d’innovation ou d’expertise.

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Publié le 05 Novembre 2021

Amphithéâtre universitaire plein et vue d'un prof de dos.

C’est un paradoxe qui en dit long. La France, régulièrement classée première destination touristique par l’Organisation mondiale du tourisme, ne figure pas parmi les pays les plus prisés des étudiants qui veulent se former dans ce domaine. Chaque année, divers organismes – QS Top Universities, CEO World Magazine et Education.com – publient des listes des meilleurs diplômes internationaux spécialisés dans le tourisme et les métiers de l’accueil.

Aucune formation française ne figure dans ces palmarès. Comme le soulignait, en 2019, le rapport de la mission d’information sur le tourisme de l’Assemblée nationale, « la filière touristique reste, malgré de récents progrès, globalement déconsidérée dans le système éducatif français ».

Il faut dire que la discipline « tourisme » n’est pas reconnue par le Conseil national des universités, l’organisme qui pilote les carrières des enseignants-chercheurs dans l’Hexagone.

Plusieurs universités proposent des cursus spécifiques, mais le tourisme n’est pas envisagé comme un domaine de recherche à part entière. « Dans le milieu de la recherche, j’entends souvent cette expression : “La tourismologie n’existe pas.” Pourtant, j’ai des amis docteurs en tourisme en Espagne, aux Etats-Unis, en Italie », regrette Sophie Lacour, docteure en sciences de l’information, qui a soutenu une thèse sur l’innovation territoriale dans le tourisme.

Si elle s’enorgueillit de son nouveau poste de responsable de la chaire tourisme à l’Esthua (université d’Angers), la conférencière et consultante compte de nombreux amis qui « n’osent même pas dire qu’ils ont un master en tourisme, car on se moque d’eux ». « A l’école, quand vous êtes mauvais, on vous traite de “touriste”. J’ai enseigné pendant quinze ans, et j’ai été parfois atterrée par le niveau des étudiants, qui s’orientent dans cette filière par défaut. L’image académique du secteur est déplorable. »

Alors que la Suisse rayonne à l’échelle internationale grâce à la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne, les formations françaises restent méconnues

Des BTS tourisme aux bachelors, des licences aux écoles supérieures, la France dispose pourtant d’une « offre pédagogique qualitative et pléthorique », rappelle Pierre-Frédéric Roulot, grand patron de Louvre Hotels. Cependant, alors que la Suisse voisine rayonne à l’échelle internationale grâce à la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne, les formations françaises restent méconnues, déplore le nouveau président de la Conférence des formations d’excellence au tourisme, une association créée en 2015 pour promouvoir le rayonnement des établissements français dispensant des formations dans le domaine du tourisme : « L’école de Lausanne, ce sont en réalité une vingtaine d’établissements qui parlent d’une même voix. En France, la filière est éclatée, avec un grand nombre d’acteurs insuffisamment regroupés. »

« On manque de passerelles »

Plus sévère, Jean-Luc Michaud, fondateur de l’Institut français du tourisme, évoque une « multiplication anarchique des formations » – « plus de 2 000, tous niveaux confondus » – qui s’est opérée au détriment de la cohérence de l’enseignement. « On a longtemps distingué les métiers de l’hôtellerie, du café et de la restauration des métiers du tourisme, cantonnés au voyage. C’est une erreur. Le tourisme est une chaîne de maillons qui doivent être solidaires.

On manque de passerelles, avec des formations cloisonnées qui mènent à ces culs-de-sac, et qui sont trop éloignées des besoins des entreprises. »

Un constat qui rejoint les conclusions du rapport de 2019 élaboré par la mission d’information sur le tourisme de l’Assemblée nationale : les formations de l’enseignement supérieur, peut-on y lire, « ne répondent que très imparfaitement aux besoins de la filière ». Ainsi, les cadres des grandes entreprises du secteur touristique sont globalement issus de formations généralistes – des écoles de commerce, notamment. « Les écoles les plus réputées à l’échelon international forment avant tout des managers à bac + 5 qui gagnent 30 000 à 40 000 euros à la sortie des études. En France, les formations ont tendance à rester dans le service rendu à l’usager. Or le tourisme, c’est bien plus que ça : c’est de la stratégie, de la gestion, de la finance, des RH [ressources humaines]. C’est ce que nous enseignons à l’Excelia Tourism School [de La Rochelle], c’est ce que fait aussi l’Esthua, ou encore l’Ecole supérieure de tourisme de Troyes », souligne Pascal Capellari, directeur d’Excelia.

A Nice, sur le Campus Sud des métiers, un nouveau cursus vise aussi à former ces dirigeants du tourisme de demain. « Le tourisme n’est plus consommé comme il y a dix ou vingt ans. Les emplois évoluent, et le système de formation doit suivre. On ne peut pas apprendre à réparer des Coccinelle si les clients roulent en Tesla. Les métiers de réservation dans l’hôtellerie, par exemple, sont amenés à disparaître. En revanche, des professions vont éclore autour du guest experience manager [responsable du bon déroulement de l’expérience client] », détaille Brice Duthion, chargé du projet.

A Paris, le Welcome City Lab intègre un incubateur consacré au secteur de l’innovation dans le tourisme. Depuis sa création, ledit incubateur a permis à 160 jeunes pousses de se lancer, avec un taux de réussite de 85 %, et plus de 1 500 emplois générés. « Parmi les profils qui frappent à notre porte, rares sont ceux qui ont fait au préalable une formation dans le tourisme. C’est dire l’inadéquation des formations par rapport à la logique de l’entrepreneuriat et l’innovation », observe Laurent Queige, le directeur de la plate-forme. En mettant en exergue la fonction vitale qu’occupe le tourisme pour certaines économies, et en agissant comme un accélérateur en termes de pratiques, la pandémie de Covid-19 a rendu plus urgente encore la revalorisation de la filière touristique dans le système éducatif.

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