Note de lecture n°21 « Maroc, Sénégal, Égypte… qui s’en est le mieux sorti en Afrique ? »
Jeune journaliste de Jeune Afrique, Diplômée de Sciences Po Paris, Yara Rizk vient d’achever un master en macroéconomie du développement à la Paris School of International Affairs, tout en se spécialisant en psychologie politique à Paris 8.
https://www.jeuneafrique.com/
Publié le 12 octobre 2021
Après avoir connu une croissance remarquable ces dernières années, le secteur touristique africain a été brutalement atteint par le Covid-19. Mais l’impact n’est pas le même partout sur le continent.
Selon le dernier numéro du Baromètre OMT du tourisme mondial, alors qu’en 2019 le PIB du secteur « voyages et tourisme » représentait 10,4 % du PIB international, en 2020 ce secteur ne valait plus que 5,5 % du PIB.
L’Afrique n’a pas été épargnée par ce marasme, avec une contraction de -49 % de son PIB spécifique au tourisme et au voyage, une diminution des dépenses intérieures de -42,8 %, et des dépenses internationales qui ont connu une contraction plus marquée à -66,8 %.
Pour le tourisme africain, le manque à gagner pourrait atteindre 250 milliards de dollars en 2021
Depuis 1995, le secteur du tourisme n’a cessé de se développer en Afrique : le nombre d’arrivées de touristes en Afrique subsaharienne a doublé, passant de 24 millions en 2005 à 48 millions en 2015, et dépasse aujourd’hui les 56 millions.
D’après le Baromètre de l’OMT, la croissance du secteur touristique s’est tassée en 2019 par rapport aux taux exceptionnels des années précédentes. Pourtant, avant la crise du Covid-19, les conclusions de l’Organisation mondiale du tourisme (UNTWO) estimaient que l’Afrique était la deuxième région du monde où la croissance du secteur touristique était la plus importante, juste derrière l’Asie-Pacifique.
Comme l’indique le dernier rapport du « World Travel and Tourism Council » (WTTC), dès le début de 2020, en Afrique, les arrivées de touristes ont diminué de 12 % et la contribution du secteur touristique dans l’emploi a diminué de 29,3 % (soit 7,2 millions d’emplois en moins par rapport à 2019). En tout, le manque à gagner pour le secteur représenterait 70 % de son chiffre d’affaires.
En 2020, le continent a accueilli 46 % de touristes en moins. Le Nigeria (-83 %), l’Égypte (-75 %) et le Rwanda (-64 %) sont les pays de la zone dans lesquels le nombre de visiteurs étrangers a le plus décru.
L’Égypte, troisième pays le plus peuplé et le plus riche du continent, a toutefois pu compter sur son tourisme local qui n’a baissé que de 32 %, soit 1,45 fois moins que la moyenne régionale.
Pour la Banque mondiale, le Covid-19 va effacer cinq années de progrès en Afrique
L’Afrique du Sud, pays le plus industrialisé du continent avec un système sanitaire robuste, a quant à elle maintenu 68 % des entrées internationales sur son sol, grâce à des mesures bien moins restrictives durant la pandémie.
Les plus grandes économies africaines sont celles qui ont été le moins affectées par la baisse de revenus liés au tourisme. Même si l’Égypte a perdu 55 % de son PIB « voyage et tourisme », l’Afrique du Sud 49,8 % et le Nigeria 39,3 %, dans les faits, l’industrie touristique représente moins 10 % de leur PIB global respectif.
En nombre d’emplois perdus, les deux principaux hubs touristiques du continent que sont la Tunisie et le Maroc ont considérablement souffert des conséquences de la pandémie. Ces pays d’Afrique du Nord bénéficient en effet du nombre d’infrastructures touristiques et de complexes hôteliers le plus important du continent.
Ainsi, en Tunisie et au Maroc, le secteur touristique dans son entièreté (emplois directs et indirects) employait respectivement 370 000 (soit 11 % de l’emploi total) et 1,35 million (12.3 % de l’emploi total) de personnes en 2019, contre 260 000 (7,7 % de l’emploi total) et 929 300 (8,7 % de l’emploi total) personnes en 2020.
C’est pourtant le Rwanda qui a été le plus lourdement impacté. Entre son partenariat publicitaire avec le club de football du Paris Saint-Germain, les campagnes de valorisation du patrimoine mettant en avant le tourisme vert, et la construction de complexes très luxueux, Kigali mise sur le développement de son secteur touristique. Mais comme l’indique le rapport WTTC, avec les restrictions liées au Covid-19, l’impact sur les communautés locales, la faune et l’environnement a été « dévastateur » pour ce pays d’Afrique de l’Est.
Alors qu’en 2019, selon le « Hospitality Report Africa 2019 », la Côte d’Ivoire faisait partie des pays africains les plus prometteurs au niveau de son activité touristique, 30,7 % des travailleurs de ce secteur ont dû changer de filière.
D’après les chiffres les plus récents de l’UNWTO, malgré l’allègement des restrictions, l’Afrique a reçu 81 % de touristes en moins au premier semestre 2021 par rapport à la même période en 2019.
Quant à l’avenir proche, les experts du secteur restent « mitigés ». Comme indiqué dans le rapport daté du 4 octobre 2021 de l’UNWTO, seuls 31 % d’entre eux tablent sur de meilleurs résultats pour la fin de l’année, et 45 % estiment qu’il faudra « attendre 2024 ou après pour que le tourisme international retrouve ses niveaux d’avant-Covid ».
D’après les conclusions du WTTC, une meilleure coordination internationale et régionale sera nécessaire pour relancer l’industrie touristique.