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Note de lecture n°5 : « Faut-il croire les avis voyageurs en ligne ? »

Marine Sanclemente portraitt

par Marine Sanclemente

Diplômée de l’école de journalisme de Tours, Marine Sanclemente travaille actuellement comme rédactrice au pôle Voyage du Figaro. Egalement écrivaine, elle a travaillé auparavant pour le magazine National Geographic Traveler.

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https://www.lefigaro.fr

Publié le 11/02/2021

 

« Un lieu d’exception et un personnel charmant. Je vous conseille vivement.» L’appréciation laudative est l’une de celles que l’on peut lire en 2017, au sujet de The Shed at Dulwich, restaurant de la banlieue de Londres classé numéro un pendant quinze jours sur Tripadvisor, premier réseau mondial de recommandations dans le tourisme. Dès lors, voyageurs et célébrités du monde entier s’arrachent une table. Seul hic: l’établissement n’a jamais existé, monté de toutes pièces par Oobah Butler, un journaliste désireux de montrer les failles de la plateforme. Un nouvel exemple, après Le Béret rouge, faux restaurant de spécialités basques à Montmartre, classé parmi les dix meilleures tables de la Butte, ou encore le Grand Budapest Hôtel, établissement de fiction référencé comme une véritable adresse…

jeune fille en train d'écrire sur un ordinateur portable

En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) estime que, tous secteurs confondus, environ 45 % des avis sur internet seraient biaisés ou faux. De quoi tromper les 77 % de consommateurs qui déclarent consulter les notes en ligne avant de passer à un acte d’achat (1). Sur Tripadvisor, la DGCCRF a détecté 15 % d’avis fallacieux, bien que la plateforme aux 800 millions d’expériences le situe à 2,1 %. Dans la majorité des cas (91 %), il s’agirait de récits visant à promouvoir l’établissement d’un proche. L’entreprise s’en défend : « Nous employons des fonctionnalités sophistiquées d’analyse des réseaux et de modélisation de fraude pour relever des constantes non repérables par l’œil humain », plaide-t-elle dans son rapport sur la transparence. Le moindre commentaire suspect serait ainsi envoyé à l’équipe de modération pour un examen approfondi. La démarche est louable, mais passer entre les mailles du filet d’un tel site, où la création d’un profil anonyme suffit pour publier une remarque, ne paraît pas très compliqué. La plateforme d’hébergement Booking a opté pour une autre stratégie. Seuls les clients ayant effectué une réservation et dormi dans l’un des 350 000 établissements répertoriés sont autorisés à raconter leur séjour, via un formulaire qui leur est envoyé.

Un gage de fiabilité ? Sur le papier, oui. « En réalité, c’est moins la note qui va être intéressante que le contenu marketing du commentaire », précise Thomas Yung, fondateur de la société My Hotel Reputation. Consultant en gestion des retours clients, Thomas Yung distingue les avis sollicités (Booking) des avis spontanés (Tripadvisor): «Le premier est moins généreux, moins descriptif, tandis que le second va souvent chercher dans le registre de l’émotion, avec le récit d’une expérience plus authentique. Dès lors, il est plus influent et revêt une importance considérable dans le processus de réservation. » Les recherches se font sur trois critères majeurs : « Le prix, l’emplacement et la catégorie, décrypte Thomas Yung. Trois ou quatre établissements vont ainsi sortir du lot et être départagés par les avis. Cela répond au besoin de sécuriser ses vacances. »

Idéaux communautaires

Le numérique signe-t-il alors la fin du bouche-à-oreille ? Assurément pas. C’est même à partir de là que Facebook a lancé, début 2018, ses Community City Guides. Ce concept basé sur « des vrais avis de vrais amis » est aujourd’hui déployé dans 16 villes du monde. Le principe : je suis à Lyon, j’ouvre l’application et découvre l’ensemble des suggestions, constituées des lieux que mes amis ont fréquentés et des adresses favorites d’ambassadeurs locaux, activités, restos, boutiques, hôtels. « À la différence des plateformes spécialisées, on ne se cache pas derrière un pseudonyme pour partager son expérience. On met son nom et sa réputation en jeu, c’est une bonne assurance de fiabilité », affirme Michelle Gilbert, directrice de la communication de Facebook.

En juin 2020, plus de 200.000 personnes vivant en France faisaient partie d’un groupe sur ce réseau social lié au voyage ou au tourisme local. Couples de backpackers, aventuriers néophytes, jeunes retraités… Les membres s’y rassemblent autour de cette passion commune, sans enjeu commercial. «Le fonctionnement de ces groupes est très organique, ils s’auto-alimentent grâce aux échanges de bons plans et aux mises en relation. C’est un canal très puissant pour dénicher des lieux hors des sentiers battus et des contacts de toutes petites structures qui ne sont même pas répertoriés sur Booking ou Tripadvisor», s’enthousiasme Michelle Gilbert, qui avoue organiser l’ensemble de ses itinéraires de vacances avec les réseaux.

L’esprit communautaire avec la mise en avant de professionnels indépendants est aussi au cœur de la démarche de Thierry Teyssier, fondateur du concept d’hôtellerie nomade 700’000 heures. Dans la veine de son projet initial, il vient d’inaugurer Tomo, une plateforme de recommandations d’hôtels alimentée par des hôteliers eux-mêmes. « Le voyage redevient précieux. Il est important de ne plus se tromper dans le choix de ses maisons, et surtout de savoir chez qui on va », confie ce défricheur, amusé qu’on lui demande toujours ses adresses fétiches. Lancée le 10 février avec 28 vidéos, cette plateforme d’initiés promeut une vision singulière de l’hospitalité. L’objectif est d’atteindre les 200 mini-films fin 2021 par un système de chaîne vertueuse où chaque hôtelier cité devra à son tour recommander ses pépites dans une vidéo. « Nous n’avons aucun critère pour faire partie du club. On peut trouver la perle rare dans une petite maison d’hôtes au Mexique comme dans un camp de tentes en Chine ou dans un 5-étoiles », clame Thierry Teyssier, fervent défenseur de la liberté des hôteliers face aux labels. Si l’heure n’est pas encore aux réservations, on se plaît à contempler les images de ces paysages rares. Et à planifier nos futures évasions en solo ou accompagné de son Tomo, terme japonais désignant cet ami avec qui on fait un bout de chemin. Sans jamais se soucier de l’avis d’autrui.

Le premier commentaire a 25 ans !

Intégrés aux sites d’e-commerce et aux plateformes dédiées, les avis font partie de l’expérience ordinaire de l’internaute. Et cela ne date pas d’hier ! En 1996, Amazon met en place le premier système de dépôt de commentaires sur les livres. Sous une forme standardisée, mêlant notes et suggestions rédigées, le principe de la recommandation virtuelle vient alors d’être inventé.

(1) Étude OpinionWay, réalisée en janvier 2018 sur un échantillon représentatif de 2003 personnes.

 

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