Note de lecture N°10 : Attirer les visiteurs sans les mettre en danger
Article d’Olivier Philippe-Viela (avec AFP)
Attirer des visiteurs sans les mettre en danger
Au moins cinq personnes sont mortes et 18 autres blessées lors de l’éruption ce lundi du volcan de White Island, au nord de la Nouvelle-Zélande.
L’éruption s’est produite ce lundi à A 14h11 (2h11 à Paris) sur White Island, au nord de la Nouvelle-Zélande. A ce moment-là, une cinquantaine de personnes se trouvaient à proximité du volcan qui attire les touristes sur cette île inhabitée de l’océan Pacifique sud située à une cinquantaine de kilomètres au large de la touristique baie de Plenty. Cinq personnes qui souhaitaient admirer ce site naturel ont été tuées et 18 autres blessées, d’après un premier bilan, après le réveil du volcan. Certaines ont pu quitter le lieu mais une dizaine d’autres se trouveraient toujours sur l’île, selon la police néo-zélandaise.
L’opérateur du navire Royal Caribbean – qui qualifiait l’excursion à White Island de « visite guidée inoubliable du volcan le plus actif de Nouvelle-Zélande » – a déclaré qu' »un certain nombre de ses invités visitaient l’île » sans donner de nombre précis. La majorité de ces touristes seraient australiens.
1560 volcans potentiellement actifs
White Island est le volcan le plus actif de l’archipel néo-zélandais, selon l’agence gouvernementale GeoNet. Environ 10 000 touristes s’y rendent chaque année. Il a connu de fréquentes éruptions depuis cinquante ans, la plus récente date de 2016. « On compte environ 1560 volcans potentiellement actifs sur les cinq continents, et tous sont touristiques, en Italie, en Indonésie, au Mexique, etc. », explique Jacques-Marie Bardintzeff, enseignant à Paris-Sud et auteur de Volcanologue (éd. L’Harmattan). Si le tourisme des volcans n’est pas une nouveauté, la pratique a connu un engouement particulier au cours de la décennie écoulée, notamment à la suite de l’éruption de l’Eyjafjallajökull en Islande en 2010, quand de nombreux tour-opérateurs proposaient des survols du volcan.
« Ce sont des voyages découvertes, à l’image les treks, de la randonnée. Il y a un engouement pour les volcans car ils sont fascinants »
« Ce sont des voyages découvertes, à l’image les treks, de la randonnée. Il y a un engouement pour les volcans car ils sont fascinants. On apprend quelque chose dans ces excursions, c’est pour ça qu’il y a de la demande », selon Jacques-Marie Bardintzeff. Avec parfois des excès de curiosité. En 2014, en Islande toujours, lors de l’éruption du Bárðarbunga, malgré l’interdiction des autorités à cause des gaz toxiques, des touristes s’étaient approchés en hélicoptère de nuit pour y atterrir.
Peu de risque en France
« De nombreux pays abritant des volcans actifs font face à un dilemme : celui de vouloir attirer des touristes tout en voulant les garder en sécurité, ce qui conduit à un casse-tête difficile, écrivait en décembre 2018 Amy Donovan, géographe de l’Université de Cambridge, dans un rapport de la revue de la Royal Geographical Society. Cette recherche met en lumière l’équilibre prudent à trouver entre les impacts positifs du tourisme et l’assurance que les visiteurs sont responsables et ne mettent en danger ni eux-mêmes, ni les autres ».
En 2014, au Japon, le volcan Ontake, au centre du pays, avait brutalement projeté d’épais nuages de fumée, de cendres et de pierres, tuant une soixantaine de randonneurs. C’est le dernier exemple en date avant l’éruption sur White Island ce lundi de drame dans le cadre du tourisme volcanique.
Jacques-Marie Bardintzeff, qui est allé sur l’île néo-zélandaise, parle d' »une éruption moyenne à l’échelle du volcan. C’est une petite île, on y va soit en bateau, soit en hélicoptère, on peut se balader pendant deux à trois heures, et forcément parfois être à 10 minutes de la zone de départ et ne pas avoir le temps de rentrer. Or, parfois on ne peut anticiper l’éruption qu’un quart d’heure avant. Il y a un risque inhérent, au même titre que le parachutisme, par exemple. Le paramètre de la nature est incontrôlable. »
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En France, dans les DOM-TOM, certains volcans sont toujours actifs, comme le piton de la Fournaise, à la Réunion. En métropole, la majorité se trouve dans le Massif central. Ils sont dits « endormis », mais pas éteints. Ceci étant, la dernière éruption connue dans la Chaîne du Puys, qui attire plus de 300 000 touristes par an, date d’il y a 6000 à 7000 ans, au niveau du lac Pavin. Jacques-Marie Bardintzeff ne s’avance pas beaucoup: « Il peut y avoir un réveil, dans quelques mois comme dans 2000 ans. Ou jamais ».