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Note de lecture N°9 : Le cancer touristique

Pierre-Michel Favre, éditeur

Le cancer touristique

Opinion de  l’éditeur Suisse, Pierre-Marcel Favre

 

 

 

OPINION. Le tourisme mondial est en très forte croissance, explique l’éditeur Pierre-Marcel Favre. Mais «nous», nous nous prétendons «voyageurs»

Pour presque tout, un peu, c’est bien. Trop, c’est l’aversion. Depuis longtemps déjà le tourisme est une activité économique essentielle pour de très nombreux pays. Un recul provoque la panique. Les troubles, les attentats amènent un effondrement, la fermeture d’hôtels, le chômage. Abordons l’archipel inverse, le trop-plein accéléré par une certaine prospérité, les faibles coûts des voyages aériens, le Rideau de fer disparu, en force, les Chinois voyageurs, etc. Notons encore que la nouvelle mode, surtout scandinave, de rejet de l’avion n’y changera pas grand-chose, l’effet de masse ne prendra pas. La Chine à elle seule construit 150 aéroports nouveaux. Le carnet de commandes d’Airbus et de Boeing déborde: 1640 avions. Le seul besoin des Chinois, à vingt ans, est évolué à 7400 appareils.

« Une certaine prétention culturelle »

Le tourisme mondial est en très forte croissance, 5% de plus chaque année ces derniers temps, 1,5 milliard par an. Pour rappel, les cinq premières destinations touristiques sont la France – plus de 90 millions de visiteurs par année –, l’Espagne, les Etats-Unis, la Chine et l’Italie. Mais ce sont les Etats-Unis qui, de très loin, ont les plus fortes recettes touristiques. La Suisse est autour du trentième rang mondial avec un nombre de visiteurs égal à celui du nombre d’habitants, 8 millions. Le plus frappant est clairement l’explosion du nombre des touristes chinois. Il est passé de 100 millions, en 2013, à 150 millions en 2018. Il est évident qu’ils vont pulvériser la barre des 200 millions et plus. Sachant qu’encore plus que les autres, ils se pressent pour les destinations phares. Une saturation certaine, sans parler des saccages, des déchets, des encombrements, etc. Plus seulement pour Barcelone, Venise, voire même Lucerne.

 «Pas de low cost pour nous, bobos, respectueux de l’environnement, on va sauver la planète, sur place !»

L’humoriste et cinéaste Jean Yanne voyait déjà, en 1974, un avenir chinois à Paris, une invasion. Ils y sont. Et le chanteur Jacques Dutronc évoquait «700 millions de Chinois» en 1970. Les camarades de Xi Jinping sont maintenant deux fois plus nombreux. Et bientôt, une bonne partie du milliard et demi de Chinois se déplacera, bien que pacifiquement. Mais surtout, ils représentent la caricature du touriste: «nous», nous nous prétendons «voyageurs». Pas d’autocar, mais on réserve Uber. Si nous prenons le taxi, ce sera pour Tobrouk. Et l’Afrique, cela nous connaît bien. De Coup de torchon jusqu’au musée du Cap, le fameux Mocaa. Pas de chaises longues au soleil pour notre peau délicate. Pas de fastfood standard. On va découvrir les grandes tables jusqu’au Pérou. Une certaine prétention culturelle! On est très occupé en voyage, une longue liste de musées à parcourir. Mais nous ne ferons pas partie des presque 15 millions de visiteurs de Notre-Dame de Paris, avant qu’un incendie calme le jeu.

Nous nous voulons les Jack London, Nicolas Bouvier, Ella Maillart d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas atteints de bougisme. Nous savourons tout, avec un guide papier. Nous photographions. Nous ne nous contentons pas de selfies avec changement de décor de fond. Nous ne partons pas en croisière, sachant que ces affreux immeubles flottants polluent les ports. Mais nous irons remonter le Mékong en jonque ou Toum-Tiou. La prochaine fois on prendra le Ponant! Nous avons, bien sûr, «fait» le Machu Picchu et Angkor Wat bien avant la masse d’aujourd’hui. Et nous, nous connaissons la géographie. Nous ne confondons pas la Russie avec la Biélorussie. La Nouvelle-Guinée avec celle de Conakry, comme, je vous le garantis, un médecin spécialiste de vaccination. Bien sûr, nous relisons tous Pablo Neruda et Mario Vargas Llosa avant de partir en Amérique de Sud.

Les grands festivals populaires, n’y pensez pas! Nous irons écouter de la musique ancienne en Auvergne. Et nous préférons Airbnb (tout de même 3 millions de nuitées rien qu’en Suisse par année) à l’hôtel, pour bien pénétrer en profondeur chez l’habitant, partout dans ce monde, branché. Pour nous, en Amazonie, l’opéra de Manaus nous a enflammés, mais heureusement, il y avait le bateau de Klaus Kinski dans Fitzcarraldo qui nous a permis de nous échapper. Pas de low cost pour nous, bobos, respectueux de l’environnement, on va sauver la planète, sur place !

 

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